"Burkina Faso (1987 - 1992), le pays des hommes intègres » un livre d’Alain Deschamps

Publié le par Patriote

Burkina Faso (1987 – 1992)

« Le pays des hommes intègres »

 

Alain Deschamps

2001, 172 pages, L’Harmattan

 

Contact Edition : L’Harmattan 5 – 7 rue de l’Ecole Polytechnique 75005 Paris

 


Présentation  (4 ème de couverture)

Avec ses 7 millions d’habitants répartis sur 270000 km², le Burkina (ex-Haute-Volta), pays enclavé au milieu du Sahel, est d’abord un peuple de paysans (90% de la population vit de l’agriculture). Le secteur rural constitue la base économique du pays et conditionne, aujourd’hui encore, le développement des secteurs industriel et commercial

Mais loin d’être homogènes, sociologiquement et politiquement, les sociétés paysannes burkinabè présentent une grande diversité de statuts sociaux et culturels, hérités d’un passé tout proche et encore agissant. Une soixantaine de groupes se répartissent à l’intérieur de deux grandes familles : la famille voltaïque qui comprend notamment les Moose, les Gourmantché, les Lobi et les Gourounsi ; la famille mandé au sein de laquelle on trouve les Samo, les Marka, les Boussance, les Senoufo et les Dioula.

On comprendra pourquoi cet ouvrage de science politique ne traite pas seulement de l’Etat moderne, mis en place au moment de l’indépendance, mais qu’il s’intéresse tout autant aux systèmes politique traditionnels, notamment à ces puissantes chefferies qui ont su unifier et administrer efficacement des peuples sans traditions semblables ni institutions communes. Comme dans toute l’Afrique noire, la société "traditionnelle" et la "société moderne" s’imbriquent l’une dans l’autre, quand elles ne font pas que se surajouter l’une à l’autre.

Ce livre aidera ainsi à mieux comprendre les modes d’organisation et de fonctionnement des systèmes qui régissent face à l’Etat et, quelquefois, contre lui les paysanneries. Il permettra également de situer la place de cet Etat dans un pays qui, malgré la succession de plusieurs régimes en 25 ans, était néanmoins resté l’une des rares exceptions démocratiques de l’Afrique contemporaine et qui depuis plusieurs années, s’est engagé dans une expérience révolutionnaire qui se veut en rupture avec le passé.

 

 

L’auteur

Maître de conférence de science politique, Claudette Savonnet-Guyot enseigne à Paris VIII et à Paris I. Elle a publié dans L’Homme et la Société, Politique Africaine et, surtout dans la Revue Française de Science Politique de nombreux articles consacrés notamment à l’Afrique et au Brésil où elle a effectué de longs séjours. Membre de l’Association française des sciences sociales sur l’Amérique Latine, elle a collaboré à un ouvrage collectif sur la Préindustrialisation du Brésil (Editions du CNRS 1984). Chercheur au Centre d’Etudes Juridiques et politiques du monde africain de l’Université Paris I, elle a dirigé, avec Gérard et Françoise Conac, la publication des Politiques de l’eau en Afrique (Editions Economica, 1985).

 

 

Sommaire du livre

 Introduction générale - le politique africain. La rencontre des cultures et le jeu des possibles

- Le cadre d’analyse. Le Burkina : l’ensemble et ses composantes

 Première partie : au cœur des sociétés l’invention du politique

Introduction – questions de méthode : les monographies

 Chapitre 1 : Un exemple d’espace : le Yir birifor

- Découverte du Yir

- Organisation de la production

- Une institution exemplaire : Le Harbilé

- Le jeu social : acteur et stratégies

 Chapitre 2 : L’espace politique villageois

- La maison bwa : la dimension lignagère

- Le village bwa : la dimension territoriale

- Les techniques d’intégration communautaire

- Conclusion : la politique sans l’Etat

 Chapitre 3 : Une société pour l’Etat, Guerriers et paysans des royaumes moose

- Pouvoir du Naam

- Le Moogo aujourd’hui

· Conquête et violence : l’Eta segmentaire

· Colonisation et unification : l’Etat territorial

- Une société recomposée

· Les gens du pouvoir

· Les gens de la force

· Les gens de la terre

· Les gens de métier

Chapitre 4 : Archéologie sociale et géographie politique

- Du Natenga au royame

- Interprétation : une polyarchie

- Les moyens du pouvoir

· Politique d’abord ?

· L’échange (matrimonial) inégal

· Commerce et politique

L’espace vivrier du Prince

Les redevances coutumières

Deuxième partie : Genèse et destin de l’Etat

Introduction : la fin des royaumes moose

Chapitre 1 : la difficile genèse de l’Etat-Nation

- L’unification territoriale (1945-1958)

- La loi cadre du 23 juin 1956. Jeux politiques et enjeux institutionnels

- La querelle de l’Exécutif fédéral et ses enjeux régionaux

- Vers les parti unique, le Conseil de l’Entente et la Première République

Chapitre 2 : La dérive démocratique : 25 années d’instabilité institutionnelle et politique

- La première République (1960-1966)

· Le schéma institutionnel et la pratique politique

· Un coup manqué : l’atteinte aux chefferies

- Premier arbitrage militaire : le Gouvernement Militaire Provisoire (1966 -1970)

· Les organes constitutifs

· La politique économique et sociale du GMP

· La réhabilitation des chefferies moose

- La Deuxième République (1970-1974)

· Un parlementarisme bien tempéré

· La dérive politicienne

- Trois ans de tutorat militaire : le Gouvernement du Renouveau National (1974-1977)

· La concentration du pouvoir

· Le contre-pouvoir syndical

- La Troisième République (1978-1980)

· Le paysage politique de 1978

· Les élections présidentielles

· Déclin et mort de la IIIe République

Chapitre 3 : Le temps des prétoriens

- Le Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National

- Le Comité de Salut National

- Le Conseil National de la Révolution

· Un pouvoir au fondement fragile

· Les pesanteurs sociologiques

· Des limites économiques

Conclusion Les paysanneries et l’Etat

Bibliographie

Glossaire

Indexe analytique

Index des auteurs

Nos commentaires

Alain Deschamps est arrivé au Burkina l’été 1987 comme amassadeur. De quoi attisez notre curiosité. Mais il faut vite déchanter. Ce livre ne renferme gère de révélations. Quelques confidences et informations que l’on peut chercher à recouper avec d’autres sources et surtout un témoignage intéressant de ce que ressent et fait un ambassadeur, de ce dont il est informé ou pas.

De ce point de vue , ce témoignage confirme ce que nous avions déjà appris par ailleurs. Les services secrets et les comploteurs ne se confient pas aux ambassadeurs. Il est d’ailluers cocasse de voir notre amabassadeur chercher à vérifier auprès de sa hiérarchie, une confidence de son collègue lybien selon laquelle la France aurait été derrière le complot qui se serait tramé début 1990.

La diplomatie sert peut-être à l’occasion à préparer les complots mais les donneurs d’ordre comme leurs exécutants n’en informent pas les diplomates qui semblent mis devant le fait accompli, si l’on en croit en tout cas ce témoignage.

Alain Deshamps explique encore ne rien savoir des raisons qui président aux nominations de tel ou tel à tel poste. Il nous confie même, un peu plus loin, ne pas avoir été informé par le ministère français des affaires étrangères de la présence de Blaise Compaoré au sommet franco-africain de décembre 1988, rompant ainsi pour la première fois avec les boycotts de Thomas Sankara. 

Reste bien sur que l’on ne peut que de poser la question des raisons qui ont poussé l’amassadeur à publier ses confidences. Il n’a guère connu Sankara, alors que son prédécesseur a pu sembler être tombé sous son charme. Le chapitre sur le bilan de la révolution est court, mais le bilan sévère : « les lourdes préoccupations de la politique n’empêchaient point Thomas Sankara, génie inventif et hardi de lancer nombre de projets aussi révoutionnaires que spectaculaires. Mais la plupart, quoique bien intentionnés connurent l’échec » (p.27). Son attention semble se porter bien plus sur les considérations internationales, l’époque étant à la guerre froide, plutôt que surla satisfaction ou non des besoins des populations locales. D’ailleurs, il ne se départit pas de sa formation d’aministrateur colonial utilisant des expressions typiques des anciens des colonies comme « bougres » ou même « pauvres bougres » pour désigner les voltaîques.

On notera quelques anecdotes non dénués d’intérêt. Ainsi la réflexion d’une amie française de Sankara, sénatrice du parti socialiste, à qui Sankara confie ses états d’âme, qui déclare à propos de l’implication de Guy Penne dans l’arrestation de Sankara le 17 mai 1983 et de ce qu’en pense Sankara : « Il ne le croit pas il le sait  » suivi de la réflexion de notre ambassadeur : « cette affirmation m’avait quelque peu ébranlé ». (P.29). Ou encore Jean Christophe Mitterrand qui lui confie à son départ pour Ouagadougou en septembre 1987 : « deux crocodiles ne peuvent coexister dans le même marigot  ».(P.57) Si le diplomate que l’on nomme paraît quasiment ignorant de la situation locale, on semble à Paris bien au fait. Qui s’en étonnerait ?

On notera aussi, chose rare pour être mentionnée, les portraits que brosse Alain Deshamps de Lingani et de Henri Zongo, (P.111 et suivantes) sur lesquels les quelques chroniqueurs ou analystes de la révolution ne se sont guère attardés, mais aussi sa version du drame de Garango, un accident causé par un avion ayant à son bord Sankara et Lingani ayant causé une trentaine de morts (voir à l’adresse . Enfin à propos de Zongo, l’auteur nous rapporte une anecdote qui n’a pas manqué de nous donner froid dans le dos. Henri Zongo est venu demander à l’ambassade de France une bourse d’étude pour sa femme. Alors que les rumeurs de coup d’Etat allait bon train, l’ambassadeur raconte :« Je jugeai prudent de le mentionner au président la bourse qui m’était demandé et de lui dire que je ferai ce qu’il voudrait. il ne répondit pas. Ce silence me fit comprendre qu’entre lui et Zongo il y avait bien un problème. Zongo mourut avant que la bourse ne soit attribuée ». (P.113)

On comprendra que cet ouvrage présente peu d’intérêt pour parfaire les connaissances des lecteurs sur la révolution. Il est plus intéressant sur la période du Front Populaire que l’auteur a vécu comme ambassadeur jusqu’à l’adoption de la constitution. L’analyse parait plus circonstancié et il semble sincère. 

Ainsi Alain Deschamps prend des distances avec le mémorandum du Front Populaire censé justifier la mort de Sankara par le fait que ce dernier préparait un complot, qui « s’appuie sur des éléments de preuve qu’il est bien difficile de recouper  »(P.61). Il n’omet aucun des crimes commis sous le Front Populaire.

Le plus intéressant reste les quelques réflexions à propos de Blaise Compaoré. : « homme bien équilibré et fort pondéré, des qualités de joueur d’échec qui sait préparer calmement ses coups et pare à ceu de son adversaire » (P.55).... Plus loin, « je l’ai même entendu, à deux ou trois reprises, nier l’évidence avec beaucoup de traquillité » (P. 70) ! Ou encore, « il m’a paru jouer avec beaucoup de finesse et sans doute une certaine délectation intérieure le rôle rassurant et trompeur de l’ingénu ». On n’est pas loin, même si c’est dit avec des mots plus consensuels, de l’homme froid, calculateur voir machiavélique tel que le dépeignent sies plus farouches détracteurs.

Notre ambassadeur joue-t-il aussi à l’ingénu lorsqu’il décrit les contradictions au sein du parti socialiste où aurait persisté un clan, notamment autour de même Mitterrand, regrettant Thomas Sankara. Ou encore quand il mentionne, presque avec étonnement, la présence d’ « un compatriote au carnet d’adresses bien fourni... qui acheminait régulièrement vers Ouagadougou, des contingents d’anciens ambassadeurs, généraux en retraite, politiciens sur le retour, universitaires en mal de cours, présidents d’associations ou institutions en quête de clientèle, ministres ou sous-ministres que le ras de marée de 1981 avait mis au rancart ». (P.96). ... Mais que faisaient-ils dans cette galère ? Tout l’affaire était pour moi mystérieuse. Elle l’est toujours. » (P.97). Il s’agit probablement de Jean Guion, toujours en place, qui s’est mis rapidement au service de Blaise Compaoré, par amitié, dit-il, mais plutôt aussi sans doute d’autant plus que ses services étaient grassement rétribués. Notre ambassadeur qui pourtant montre ici ou là qu’il a bien compris que Blaise Compaoré a tout de suite eu les faveurs de la France, ne pousse-t-il pas un peu loin son ingéniosité ? N’a-t-il donc jamais entendu parler des réseaux françafricains ? Que ne pousse-t-il sa réfléxion un peu plus loin. Pourquoi ? D’où vient l’argent ? Des milieux françafricains ou bien de la Présidence ? Il y aurait bien là de quoi s’offusquer des sommes ainsi englouties au détriment du peuple burkinabé ?

Et nous nous reposons donc la question du début. Pourquoi ce livre ? Les connaisseurs reconnaitront certes quelques protagonistes dont l’auteur tait les noms mais aiguisent la curiosité pour ceux qui restent mystérieux. Notre auteur a-t-il voulu nous livrer quelques éléments jusqu’aux limites que lui imposent la réserve d’ancien ambassadeur ? Il nous livre en tout cas, au delà de sa propre opinion, quelques anecdotes que les meilleurs connaisseurs sauront utiliser. Pour d’autres, il restera un livre agréable à lire, avec quelques pointes d’humour et des anecdotes croustillantes. Quant aux burkinabé, qui ont appris toute l’importance de la dignité, qu’ils essayent de passer outre la révolte qu’ils ressentiront en voyant les paysans qualifiés de « pauvres bougres ». Le pauvre bougre n’est-il pas finalement celui qui pense appréhender la culture du pays des « hommes intègres » mais qui paraît par ce type de vocabulaire, en être resté à la période coloniale et être passé à côté de la profondeur de la culture ancestrale des burkinabés. 

 B J
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