« Concrétiser la victoire contre l’impunité à l’ONU et l’enraciner en Afrique » communiqué du GRILA à l’occasion du 19 éme anniversaire de la mort de Sankara

Publié le par Patriote

19 ème Commémoration de la mort de Thomas Sankara :

Concrétiser la victoire contre l’impunité à l’ONU et l’enraciner en Afrique

 

 Ce 15 Octobre 2006 diverses sections du GRILA, de la CIJS (Campagne Internationale Justice pour Sankara* et de la société civile internationale soulignent la commémoration du 19ème anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara. Thomas Sankara a dirigé la dernière expérience de développement endogène, panafricain et internationaliste en Afrique. Elle demeure une leçon de résistance contre la mondialisation néo-libérale et un espoir aux pauvres, à la jeunesse, aux femmes et aux populations aspirant au progrès social de l’Afrique et du monde entier. Assassiné en compagnie d’une dizaine de ses camarades par des tenants [1] de l’actuel régime du Burkina Faso, Sankara et sa famille n’ont pas encore obtenu justice.

 

Depuis une dizaine d’années, d’abord en épuisant tous les recours nationaux, puis en s’adressant à l’ONU, la CIJS tente de défendre les droits de Thomas Sankara et des siens à la vérité à la justice et à une constructive réconciliation nationale. La plainte de la CIJS, qui défend sa veuve Mariam, et ses enfants Auguste et Philippe Sankara, s’articule sur la violation par le Burkina Faso de ses engagements au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses deux Protocoles**.

 

En 2005 le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a rendu son verdict historique dans l’affaire Sankara qui y est pendante depuis 5 ans, en faveur de la CIJS. Le Comité avait considéré « que le refus de mener une enquête sur la mort de Thomas Sankara, la non-reconnaissance officielle du lieu de sa dépouille, et la non-rectification de l’acte de décès constituent un traitement inhumain à l’égard de Mme Sankara et ses fils, contraire à l’article 7 du Pacte ». Le comité avait aussi déterminé que « le Burkina Faso était responsable de deux violations accessoires de l’article 14, paragraphe 1, perpétrées par ces autorités et reliées à son défaut d’enquêter sur la mort de Thomas Sankara : l’une faite par le Juge Frank Sibila Compaoré de la Cour Suprême du Burkina Faso en vertu de sa décision n° 46 en date du 19 juin 2001 [2] , et la deuxième faite par le Procureur du Faso, M.A. Traoré le 23 juillet 2001 [3] ». 

 

Le comité a décidé qu’en vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, « l’État partie est tenu d’assurer un recours utile et effectif à Mme Sankara et ses fils consistant notamment en une reconnaissance officielle du lieu de sépulture de Thomas Sankara, et une indemnisation pour l’angoisse que la famille a subie. L’État partie est également tenu d’empêcher que des violations analogues se reproduisent à l’avenir ».

Comme il fallait s’y attendre, le Burkina a évité dans sa décision du 30 juin 2006 de respecter la décision de l’ONU, se bornant à une attitude visant à mystifier le comité et l’opinion publique par des mesures cosmétiques insultantes et violant de nouveau ses engagements internationaux. La CIJS a pris la peine de relancer en mai 2006 le procureur. Mais Adama Sagnon, Procureur du Faso, a de nouveau refusé le 21 juin 2006 de dénoncer les faits au Ministre de la Défense afin qu’il ordonne l’ordre de poursuite pour qu’une enquête judiciaire établisse les circonstances de la mort de Thomas Sankara. Il invoque une prescription. Mais le comité avait déjà bien statué comme étant “manifestement non fondée,”  [4] la dite prescription laquelle engendrait d’ailleurs une violation de l’article 14, paragraphe 1 du Pacte.

 

Le Burkina n’offre dès lors aucun recours effectif et exécutable légitime à la famille Sankara. En toute illégalité, sans procéder à aucune enquête ni apporter de preuve, le Burkina, à l’insu du comité et de la famille, va clandestinement biffer la mention « naturelle » de l’odieux certificat de décès falsifié de Thomas Sankara en date du 17 janvier 1988. (Thomas Sankara y est allégué être décédé de mort naturelle). Le nouveau certificat n’apporte rien de nouveau sur les raisons de sa mort sinon la persistance de l’impunité. Le Burkina n’a apporté aucune preuve du lieu d’inhumation de Thomas Sankara. Ni expertise légiste, ni preuve directe attestant de l’authenticité de l’emplacement du corps où il escompte ériger un mausolée à la gloire du héros. L’indemnisation à verser pour l’angoisse subie est dérisoire et le régime sciemment brouille les cartes en invoquant la pension militaire et un versement relevant du fonds d’indemnisation des victimes de la violence politique. Or ils n’ont rien à voir avec ce que le comité a requis, et de surcroît ce fonds requiert le renoncement à demander justice pour le percevoir. Finalement, sommé de ne plus reproduire de violations le Burkina a de nouveau dans l’affaire Sankara violé ses engagements nationaux et internationaux. Il persiste donc, à l’instar de l’outrageux non lieu dans l’affaire Zongo (journaliste assassiné avec 3 de ses camarades) en juillet 2006 à perpétuer un long et sanglant cycle d’impunité.

C’est pourquoi, acquiescant à la requête de la CIJS, le comité des droits de l’homme de l’ONU examinera à sa 89 ème session 2007 le cas du Burkina et les exigences suivantes :

Que le comité convoque immédiatement le représentant du Burkina Faso pour discuter des questions suivantes :

 (1) L’institution immédiate d’une enquête judiciaire impartiale au Burkina Faso dans le but de dûment établir les circonstances de la mort de Thomas Sankara afin de remplir les obligations non respectées de l’État partie pour remédier aux violations continues à l’article 7 du Pacte ;

 (2) La fourniture de recours spécifiques relativement

 

 (a) À la violation délibérée des droits de Mariam Sankara et de ses fils sous l’article 14(1) perpétrée par le juge Frank Sibila Compaoré de la Cour Suprême du Burkina Faso dans sa décision n° 46 en date du 19 juin 2001 ; et

 (b) À la violation intentionnelle de la garantie sous l’article 14(1) perpétrée par le Procureur du Faso, M.A. Traoré le 23 juillet 2001 ; et

 (c) Au refus du Procureur du Faso, Adama Sagnon, le 21 juin 2006 de dénoncer les faits au Ministre de la Défense afin qu’il ordonne l’ordre de poursuite pour qu’une enquête judiciaire établisse les circonstances de la mort de Thomas Sankara.

 

 Dans l’éventualité où l’État partie refuse de coopérer immédiatement, Mariam Sankara et ses fils exhortent le Rapporteur Spécial sur le Suivi à mener une mission indépendante au Burkina Faso pour établir les faits ; à soumettre les commentaires du Burkina Faso au suivi ; et à publier les présents commentaires de l’Auteur et al. dans le rapport annuel du Comité des droits de l’homme présenté devant l’assemblée générale de l’O.N.U. par le Secrétaire Général de l’O.N.U. afin d’assurer que le Burkina Faso s’y conforme.

 

LA CIJS demande l’aide de tous les panafricains et internationalistes épris de paix de justice et de développement pour faire respecter l’historique décision onusienne.

  

-* Collectif juridique composé de (Me Dieudonné Nkounkou, Me Jean Abessolo, Me Bibi Barnabe, Me Karim Bensakina, Me Nicole Bobillot-Prévost, Me Ferdinand Djammen Nzeppa (France), Cabinet Sankara-Diallo -Me Prosper Farama (Burkina Faso), Me Milton James Fernandes, Me William Sloan , Me Vincent Valaï. Me Kimon Kling, Me May Chiu, Me Sherley Morin , Me Catherine Gauvreau, Me John Philpot, Me Charles Roach (Canada) ; Me Devotsou Kofimessa (Togo), Me Aissata Tall Sall (Sénégal) –

 

** Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses deux Protocoles facultatifs font partie de la Charte internationale des droits de l’homme, qui comprend également la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et ses Protocoles facultatifs. Le Pacte porte sur des droits tels que l’égalité devant la loi, le droit à un procès équitable, la présomption d’innocence, la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’opinion et d’expression, la participation aux affaires publiques et aux élections, la liberté de circulation et la protection des droits des minorités.

 

Le Pacte fait obligation aux États qui le ratifient à adopter des mesures pour protéger, sans discrimination aucune, les droits qui y sont reconnus. Les États parties s’engagent en particulier à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques énoncés dans le Pacte

 

Campagne Internationale Justice pour Sankara contre l’impunité en Afrique !

GRILA 514 499 3418 admin@grila.org

  

[1] Le général Tarnue, témoignant devant la Cour internationale spéciale du Sierra Leone, reconnaissait le 4 octobre 2004 le complot ourdi par l’actuel président du Burkina Faso Blaise Compaoré et l’ancien chef rebelle puis d’Etat du Libéria Charles Taylor voir http://www.sc-sl.org/Transcripts/RU... (pp 84-85). Le régime du Burkina s’est acoquiné avec ce chef de guerre, qui a été arrêté et qui comparaît pour ses exactions en Sierra Leone et dans la sous–région devant le Tribunal spécial de l’ONU du Sierra Leone

[2] Constatations, communication n° 1159/2003, para. 12.5 ; 12.5.

[3] Constatations, communication n° 1159/2003, para. 12.6.

[4] Constatations, communication n° 1159/2003, para. 6.7.

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